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La genèse du roman

Retrouvez tous les éléments d'études essentiels du roman Frère d'âme de David Diop ici.

Le projet de Frère d’âme naît en 1998 de la lecture que fait David Diop des lettres de poilus réunies par l’historien Jean-Pierre Guéno (Paroles de poilus, Jean-Pierre Guéno, Librio, 1998, lettre de Henry Floch). L’auteur cherche à retrouver, par le biais de la fiction littéraire, ce qu’a pu ressentir un tirailleur sénégalais pris dans l’enfer des tranchées. Pourtant, ce n’est pas une lettre qu’il rédige par souci de vraisemblance : le narrateur-personnage, Alfa Ndiaye ne peut écrire le français puisqu’il ne le parle pas. Par ailleurs, une lettre aurait peiné à retranscrire la vérité des pensées et des émotions d’un personnage. En effet, une lettre est nécessairement conditionnée par la censure qui contrôle ce que les soldats disent du front à leurs destinataires de l’Arrière mais aussi par une forme d’autocensure : comment tout dire de l’horreur quotidienne à ses amis, à ses parents, comment leur faire part du désespoir et de la furie ?

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Le texte nous livre donc les pensées d’Alfa sous la forme d’un psycho-récit. Nous verrons que la retranscription du «â€…flux de conscience » du personnage, comme le nomme David Diop, détermine la construction du récit ainsi que le travail sur la langue du texte.

Les sources d'inspiration littéraires de David Diop

Les sources d’inspiration de Frère d’âme sont de deux natures : les unes sont conscientes, et donc tributaires de ma volonté, les autres enfouies, comme imprimées dans mon esprit et ressuscitées par la relecture de mon propre roman.

              Dans la première catégorie, celle des sources d’inspiration qui coexistent avec l’écriture du roman, je placerais la scène du Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline, dont un des héros abandonne sur le champ de bataille son capitaine éventré par un obus. Cet épisode m’a beaucoup marqué et j’y pensais en écrivant Frère d’âme. Il représente selon moi toute la cruauté de la guerre et il a nourri mon récit de la mort de Mademba. De même le chant XXIII de l’Iliade d’Homère, dans lequel Achille voit apparaître dans son sommeil l’ombre de Patrocle qui lui reproche de l’avoir abandonné, a inspiré la fin de Frère d’âme.

              Dans la deuxième catégorie des sources « involontaires », telles que j’arrive à les reconnaître quand je relis mon texte longtemps après l’avoir écrit, et qui ont dû pourtant m’inspirer souterrainement, je mettrais la toute fin du Procès de Frantz Kafka. Dans mon souvenir le héros se faisait éventrer au clair de lune. Mais mon souvenir n’est pas tout à fait juste car, quand je reviens à la lettre du texte de Kafka, il reçoit, alors que ses bourreaux lui découvrent la poitrine et lui tiennent les bras prisonniers, un coup de couteau en plein cœur.

              Cette dernière remarque me fait conclure que, parfois, ce n’est pas tant un épisode précis d’un texte lu qui me revient, mais plutôt l’effet lointain qu’il a eu sur moi. Et il se trouve que cet effet qui a été puissant au moment de ma lecture s’est décomposé, s’est délité au fil du temps jusqu’à ce que ne demeure dans ma mémoire que des vestiges de souvenirs dont les détails m’échappent. Ces bribes de souvenirs ne tiennent à moi que par l’émotion qu’ils m’ont procurée au moment de la lecture. Les textes passent, l’émotion reste. Une émotion sans matière précise, flottant autour de textes lus, et qui devient le terreau de ma propre écriture.

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David Diop

I. Violences de guerre 

Extrait n°1 Balzac, Le colonel Chabert

Extrait n°2 Paroles de poilus – Lettres et carnets du front 1914-1918, Jean-Pierre Guéno © EJL, 1998

Extrait n°3 Bleuet de Guillaume Apollinaire

Extrait n°4 Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1932), Gallimard

II. Réminiscences littéraires 

Extrait n°1 Homère, L’Iliade, Chant XXIII, Le deuil d’Achille (VIIIe siècle av. J.-C.).

Pour l’amitié des personnages et le retour d’entre les morts.

Extrait n°2 Huysmans, A rebours, chapitre 5 (1884).

Pour la figure de Jean-Baptiste

Extrait n°3 Kafka, Le procès (publié en 1925).

Pour la violence de sa fin.

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