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Les personnages

Retrouvez tous les éléments d'études essentiels du roman Frère d'âme de David Diop ici. 

La figure du double traverse le roman dès le début. « Toute chose est double » (p. 38). C’est à la fin (voir chapitre XXIV) qu’elle se réalise pleinement à travers le personnage d’Alfa.

Les personnages fonctionnent par couples antinomiques ; chacun est le reflet inversé d’un autre. Alfa est fort, Mademba chétif. Ce dernier est instruit, le premier ne l’est pas. Yoro et Penndo Ba filent comme l’eau du fleuve quand Bassirou Coumba Ndiaye semble un baobab immuable. L’honneur du père d’Alfa est l’antithèse de la velléité de celui de Fary. Le capitaine Armand est aussi cruel et impitoyable que Jean-Baptiste est fraternel et sensible. L’un immole les hommes par amour pour la guerre, l’autre se sacrifie par amour déçu pour une femme. Fary Thiam est la femme qui désire et ordonne. Mademoiselle François est celle qui endure et souffre. L’une est élan de vie, l’autre réveille une pulsion de mort.

 

Alfa Ndiaye : Personnage principal du récit, Alfa est un tirailleur sénégalais volontaire envoyé sur le front pendant la première guerre mondiale. Originaire de Gandiol, au Sénégal, il est le fils d’un paysan wolof et d’une nomade peule. Lutteur, véritable colosse au totem lion, il est peu porté vers l’étude. Sa vie et sa raison basculent lorsqu’il perd Mademba, son plus que frère, sur le champ de bataille.

 

Mademba Diop : C’est le plus que frère d’Alfa qu’il a fait adopter par sa famille. Tout l’oppose pourtant à lui, jusqu’à son totem, le paon. Petit et chétif, il est doté d’une grande intelligence et de beaucoup d’ambition. Instruit à l’école des blancs, il convainc Alfa de s’engager pour sauver la mère patrie. Il espère ainsi conquérir le statut de citoyen français, pouvoir commercer à Saint-Louis, devenir quelqu’un.

Le capitaine Armand : Il incarne l’autorité militaire française. Il est indissociable du sifflet, quasi métonymique, par lequel il envoie les hommes à l’assaut. Le capitaine s’obstine à siffler l’attaque, avertissant ainsi l’ennemi, il méprise ses hommes, tant chocolats que toubabs, qui ne sont pour lui que de la chair à canons. Il n’hésite pas à sacrifier ses troupes par passion aveugle pour la guerre mais lorsqu’Alfa cause le trouble dans sa propre tranchée, il oppose à la sauvagerie de ce dernier un règlement civilisé des combats à l’européenne.      

Jean-Baptiste : Jean-Baptiste est le seul poilu avec lequel Alfa se lie d’amitié. A la mort de Mademba, il rattache Alfa aux autres camarades de la tranchée. Jovial, farceur, généreux, il fait d’Alfa le coupeur de mains un héros. Sa vie bascule le jour où il reçoit une lettre parfumée. Par désespoir, il attache sur son casque le premier trophée d’Alfa dans le but d’attiser la fureur des ennemis. Il meurt décapité par un obus. Son prénom fait référence à Jean le Baptiste qui a, lui aussi, perdu la tête pour une femme.

Ibrahima Seck : Lui aussi tirailleur sénégalais, il est souvent désigné par la périphrase « Chocolat croix de guerre » en référence à son origine et à la décoration qu’il doit à sa valeur au combat. Pourtant, Ibrahima Seck est terrorisé par Alfa qu’il prend, selon les croyances ancestrales, pour un sorcier. Il a un rôle majeur dans le récit car il sert d’interprète dans les échanges entre Alfa et le capitaine après la mort de Mademba. Il est donc la voix, hésitante, par laquelle parle l’autorité. C’est la raison pour laquelle il pense s’attirer la colère d’Alfa dont il tente de se prémunir grâce à ses prières et ses grigris.

Penndo Ba : Penndo est la mère d’Alfa. Fille de pasteurs, elle appartient à l’ethnie nomade peule. Son père l’offre en mariage à Bassirou Coumba Ndiaye en remerciement de l’hospitalité du vieil homme qu’elle apprend à aimer. Dotée d’une très grande beauté, digne, elle respecte la parole donnée par son père et lui reste fidèle. Lorsque son père ne paraît plus avec ses fils et son troupeau en transhumance, elle part à sa recherche et disparaît mystérieusement, enlevée par les Maures. Aussi insaisissable que le vent, elle est la cause de la première grande souffrance d’Alfa.

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Duo comique Footie et Chocolat ©BNF

Bassirou Coumba Ndiaye : Vieux père d’Alfa, c’est un paysan de l’ethnie wolof. Sage et juste, l’hospitalité qu’il offre au troupeau de Yoro Ba qu’il laisse s’abreuver à ses puits lui vaut de prendre pour quatrième épouse Penndo. Parce qu’il est soucieux de pourvoir dignement aux besoins de sa famille et de l’homme de passage à qui il doit aussi, traditionnellement, la charité, il refuse de consacrer toutes ses terres à la culture de l’arachide voulue par l’administration coloniale.

 

Abdou Thiam : Il est le père de Fary. Chef du village, il a en charge la collecte de l’impôt au profit de l’administration coloniale. De ce fait, il jouit d’un statut ambigu et son jugement est parfois altéré par son bénéfice propre : en exhortant les paysans à renoncer à la polyculture vivrière, il pense assurer à sa boutique une clientèle nouvelle venue se procurer les vivres les plus élémentaires. Humilié publiquement par Bassirou Coumba Ndiaye, il lui voue une haine réalisée dans l’interdit qui pèse sur Fary de se lier à Alfa.

 

Yoro Ba : Il est le père de Penndo qu’il adore. Pasteur nomade, lui et ses cinq fils traversent chaque année les terres de Bassirou Coumba Ndiaye pour rejoindre les plaines fertiles des Niayes. Clairvoyant, mu par l’honneur de son peuple, il sait lire dans le cœur des gens et reconnaît la noblesse d’âme d’un simple paysan. Lorsqu’il offre Penndo à Bassirou, il se fait alchimiste, unissant contre-nature les éléments apparemment les plus contraires.

 

Fary Thiam : Elle est la jeune fille que tous les garçons de Gandiol désirent même si elle n’est pas vraiment belle. Alfa et elle s’aiment d’un amour réciproque. Contrairement aux autres figures féminines du roman, Fary désobéit, elle décide. En choisissant Alfa, elle s’oppose à la coutume qui interdit de prendre pour amoureux un garçon de sa classe d’âge ainsi qu’aux désirs de son père. Dans ses évocations, Alfa l’associe à l’eau, à la terre, au feu et au vent, les quatre éléments dont elle est la synthèse. Unissant en elle les contraires, début et fin à la fois (sa première union avec Alfa la veille de son départ pour la guerre est aussi la dernière) elle est la femme-monde (p. 87-88).

 

Le docteur François : Médecin-psychiatre, il soigne les esprits des soldats renvoyés à l’arrière. Alfa lui est confié. Comme ce dernier ne parle pas français, le docteur François l’invite à dessiner pour exorciser ses démons. S’instaure entre les deux hommes un dialogue du sourire interrompu lorsqu’il prend la mesure de la folie du tirailleur dont le dernier dessin constitue un aveu.

 

Mademoiselle François : Seulement désignée par une périphrase qui la renvoie à son lien hiérarchique avec le docteur François, elle est la femme sans nom et sans voix. Ce sont les regards et les sourires de l’infirmière qu’Alfa interprète de manière équivoque. Victime sacrificielle, elle est l’instrument de la reviviscence de Mademba.

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